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Mars, Vénus et l’entreprise

18 Fév Mars, Vénus et l’entreprise

FCE Ardennes 30 Mars 2012

 

 

Notre civilisation développe depuis toujours les outils et les méthodes dont elle a besoin sur base de l’utilisateur à la fois moyen et majoritaire.

 

De quelle majorité parlons nous?

 

Pensons un instant aux gauchers, minorité numérique, s’il en est, qui, il y a moins de cinquante ans étaient encore systématiquement contrariés par le système et sommés d’utiliser l’autre main, «la bonne».

 

Pour une représentation mondiale moyenne de 11%, un risque d’accidents de travail 6 fois plus élevé les guette. (Coren et Halpern cités par Springer et Deutsch, in Cerveau gauche, cerveau droit à la lumière des neurosciences éd. De Boek). Les gauchers évoluent donc comme ils peuvent dans un monde de droitiers.

 

Comme l’adaptabilité est la clé de l’évolution, les gauchers représentent non seulement une frange de population de travailleurs à la durée moyenne de vie de sept ans inférieure à celle des droitiers, mais ne représente pas que cela. Il s’agit également d’un segment de population assez remarquablement représentative d’individus de haut niveau dans les domaines entre autres de la recherche, de l’art et du sport.

 

Voilà comment un facteur pénalisant peut être transformé en valeur ajoutée et peut conduire une minorité à fournir du concentré, tout simplement parce que la contrariété systématique a poussé les gauchers à développer le nombre et la plasticité des connexions entre hémisphères cérébraux.

 

La femme dirigeante est certes une minorité relative (27,5 % des cadres et ingénieurs et 7 % dans l’état-major des grandes entreprises source Insee Synthèses n° 78 2004 / 25,5% de travailleuses indépendantes / Source:Enquêtes Emploi 1982 et 2002, calculs Dares. Actifs occupés BIT (Bureau international du travail)), mais elle est issue d’une majorité dans l’absolu (1,04 femme pour 1 homme en Belgique 2004) et, avis personnel, les politiques de quotas et autres décisions arbitraires ne produiront pas à eux seuls le volet culturel du changement.

 

Une idée simple:

 

Revenons un instant aux gauchers, qui le plus souvent sont confrontés au quotidien à des outils conçus pour être utilisés par des droitiers.

 

Outils standards adaptés au plus grand nombre, qui deviennent très inconfortables si utilisés à la main gauche et tellement imprécis si utilisés avec la main droite d’un gaucher dès lors que la tâche à effectuer reste la même. Les plus inconfortables d’entre les outils, tels les ciseaux ayant d’ailleurs été déclinés en version gauchers.

 

Utilisons maintenant cette analogie dans le contexte de nos entreprises pour alimenter cette réflexion.

 

La tâche à réaliser reste inchangée et représente la direction d’un agent économique, d’une entreprise. J’en déduit l’idée, qui est aussi ma conviction, que les opérations, les actes, les rôles et responsabilités en entreprise sont de nature universelles et ne dépendent pas du genre du dirigeant. Le «quoi» serait suivant ce raisonnement «unisexe», voire «asexué».

 

Par contre, le «comment», domaine où ressentis, visions, perceptions et constructions mentales occupent un rôle fondamental sont de l’ordre de l’intime, donc forcément et, à l’insu de notre plein gré, individualisés, donc sexués.

 

Comment notre société parle-t-elle de l’entreprise?

 

La littérature, la sémantique, les us et coutumes relatives à un groupe forment un ensemble conventionnel d’ordre culturel qui nous correspond, nous parle, nous attire ou au contraire, nous paraît hermétique, abscons, voire effrayant.

 

Qui n’a jamais connu de grand moment de solitude pris au beau milieu d’une intense conversation d’informaticiens, de chasseurs, de chirurgiens, chimistes ou autres initiés d’une activité de niche.

 

Et si la manière dont notre société pense, conçoit, exprime, verbalise, qualifie, évalue, gère, enseigne, valorise, ce qui touche à l’entreprise était tout simplement majoritairement formaté d’une manière correspondant plus à la structure mentale masculine?

 

L’étude statistique des personnalités, des parcours, des motivations et des secteurs d’activité qui font qu’une femme devient chef d’entreprise existe et est d’ailleurs très intéressante (cfr. Bureau International du Travail), mais je préfère de loin penser à développer les aspects et facettes qui feraient de l’entrepreneuriat une voie plus communément admise dans le champ des possibles par la gent féminine.

 

Ceci ne représente que mon avis personnel, mais je pense que si un livre de management (titre imaginaire) tel  “Devenir un gagnant en Risk management”,  était titré et rédigé dans le sens de “Comment gérer ses risques et ses enjeux en tant que dirigeant(e)”, à contenu équivalent, il serait plus que probablement bien moins attirant pour les Gentlemen que pour les Ladies.

 

Cette voie aurait de plus un avantage socio-politico-culturel indéniable, elle ne pourrait pas être taxée de militante et donc potentiellement de polarisante ou conflictuelle, mais tout au contraire, elle aborderait un thème central de notre existence (comment assurer individuellement la survie de l’espèce sur un plan économique) de manière universelle.

 

Il s’y créerait un espace et une ouverture pour que naturellement les petits soldats comprennent l’intérêt qu’il peut y avoir à jouer aussi à la dinette et que la marchande perçoive ce qui peut être ludique dans les petites autos ou les cow-boys.

 

Toute activité comportant à la fois des choses à faire et des choses à ressentir, des challenges et des harmonies. Chacun pouvant alors se trouver dans les diverses facettes naturellement exposées d’une même chose, le dosage de nos parts de féminité et de masculinité étant un mélange autant savant qu’unique.

 

Le changement viendra des femmes.

 

Pourquoi une majorité numérique est-elle en minorité dans certains aspects? Les raisons sont d’ordres culturels dans une certaine mesure (dogmes, croyances, traditions, etc.), mais très largement de l’ordre de l’inné (homones et génétique).

Sur ce second point, nous n’avons que très peu de prises, mais une fois de plus modifier notre perception et faire évoluer nos points de vues sur certains aspects  ( risques, engagement, ambition, regard des autres, etc.) est une possiblité quasiment systématiquement négligée, mais et c’est pourtant notre seule manière de faire évoluer les “facteurs d’ambiance”.

D’abord partant de l’intérieur de nous mêmes, pour pouvoir ensuite poser les choses, condition sine qua non pour pouvoir les utiliser et les partager.

 

La culture sera donc le vecteur par lequel le changement viendra. L’impulsion quant à elle viendra des femmes elles-mêmes et, pour le grand bonheur de tous, car une saine compétition (cum petere – essayer ensemble) dans laquelle le niveau de tous et chacun augmente, donc aussi celui de la performance de nos entreprises et de la capacité à y vivre et de les diriger avec bonheur en sera le résultat.

 

L’humanité comme l’économie seront toutes deux gagnantes.

 

Patrick Colot

Praticien Senior en Management

Administrateur tec-ma

www.tec-ma.be