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Durable, éthique, équitable… Allons nous chercher trop loin?

18 Fév Durable, éthique, équitable… Allons nous chercher trop loin?

Le commerce équitable prend une place à part entière dans les habitudes de consommation et perd petit à petit le côté alternatif de ses débuts. Ce marché en forte croissance (+25% en 2007) reste marginal dans l’absolu°

Les dix principes et points d’attention du commerce équitable:

  1. Création d’opportunités pour les producteurs économiquement en situation désavantageuse.
  2. Transparence et crédibilité.
  3. Capacité individuelle de développement.
  4. Promotion du commerce équitable.
  5. Juste rétribution.
  6. Égalité entre les sexes.
  7. Conditions de travail décentes.
  8. Régulation du travail des enfants.
  9. Protection de l’environnement.
  10. Développement de relations de commerce à long terme et durables.

Un peu d’histoire.

Après une première période plutôt basée sur l’artisanat, un essoufflement se fait ressentir. Le manque de nouveauté dans l’approvisionnement des magasins démotive alors une partie de la clientèle européenne qui reste ancrée dans ses réflexes de consommation FMCG*. Cette frange de clientèle applique naturellement sa soif de nouveauté et de renouvellement de l’offre à l’artisanat traditionnel.

Une seconde ère du commerce équitable prend forme au début des années 90 en réponse à cet essoufflement. Elle s’amplifie suite à l’effondrement des prix des marchés des matières agricoles à l’aube des années 2000. La distribution d’artisanat traditionnel fait alors progressivement place belle au commerce de matières premières et produits finis alimentaires (74% de l’offre en 2008). L’évolution actuelle se porte plutôt sur les certifications et autres labels apportant une valeur ajoutée aux produits déjà proposés.

Équitable, écologique, social, certifié, durable ou éthique?

De nos jours, ce que l’acheteur cherche, exprime ou revendique à travers le geste d’achat équitable ne semble pas toujours très clair. Les aspects originels nord-sud de protection des minorités (ethnies, femmes, enfants), d’attention aux revenus et conditions de travail décents se complètent maintenant d’autres considérations dont nous pourrions tirer un quasi abécédaire commençant par : alternatif, bobo², conscience environnementale, durable, éthique, fun, etc.
Á chacun de placer son curseur, de la manière la plus consciente possible.

Jusqu’à quelle distance notre consommation équitable reste elle durable et/ou éthique?

Au delà de tout l’intérêt que peuvent représenter pour les gens du nord les produits du sud (et réciproquement), et surtout, ardent défenseur de la juste rétribution de ceux qui créent de la valeur quelle qu’elle soit pour notre société, l’angle de vue que je propose ici d’emprunter n’est pas inédit, mais est encore trop peu souvent mis en avant.

Posons nous d’abord la question des effets collatéraux potentiels d’une hausse des revenus chez les paysans du sud.

Le risque est réel et a été clairement traduit par Maslow (A theory of Human motivation 1943). Une fois les besoins physiologiques de base rencontrés, l’humain passe au second stade qui est le besoin de sécurité, le plus largement exprimé dans nos sociétés par l’accumulation de biens matériels. Bon nombre de compagnies internationales l’ont rapidement intégré et ont vu très tôt en ces augmentation de pouvoir d’achat «hors zone de chalandise» autant de parts de marché à conquérir.

Les probabilités sont donc effectives que le producteur du sud utilise, dans un délais assez court, son niveau de revenus fraîchement ré-aligné pour rentrer dans le système de consommation impactant fortement l’environnement d’où nous tentons de sortir actuellement: une empreinte carbone et une dépendance aux énergies fossiles importantes et, d’aucuns diront prie encore, la confusion entre le besoin et l’envie.

En tant que citoyen comme en tant que dirigeant d’entreprise, il est utile d’être particulièrement vigilant à ce qu’éthique se conjugue autant que possible avec durable et équitable dans nos comportements d’achats.

Regardons ensuite ce qu’il nous est possible de faire au plus près de nous pour rendre nos comportements les plus durables possibles en y incluant la chasse au rebond (le city trip en avion grâce à l’économie réalisée avec le photovoltaïque est un bel exemple d’effet rebond).

Le régime «160Km» est un bel exemple de ce que nous pouvons faire concrètement en tant que citoyen sans aucune trace de militance ou d’extrémisme(«Plenty» Alisa Smith & JB Mackinnon the 100-miles diet, 2006). Le but du régime 160km est de limiter les émissions dans l’atmosphère et de limiter l’impact sur les ressources vitales (eau, terres agricoles, énergies fossiles etc…).

Partant du principe que les aliments parcourent dans les pays industrialisés en moyenne 2400 kilomètres avant d’arriver sur notre table, le but consiste à consommer des produits dont le cycle de production (emballages compris) se déroule dans un rayon de 100 miles (environ 160 kilomètres) de son endroit de consommation. L’idée est d’une part de réfléchir consciemment à l’origine de ce que nous consommons et d’autre part à privilégier le commerce local, les circuits courts et les productions plus respectueuses de l’environnement et de l’humain.

Ce régime peut, par nos seuls efforts de volonté et de recherche, intégrer nos frigos et nos cantines, mais peut il être adapté à nos entreprises? Plus important encore, peut il l’être d’une manière qui consolide notre compétitivité et notre position sur nos marchés?

Je suis de ceux, parmi les pragmatiques, qui pensent que cette idée n’est pas tout a fait folle et surtout relativement réalisable (Pareto, quand tu nous tiens…), surtout dans un biotope aussi diversifié que le notre³ qui de surcroît, comporte plus de 90% de PME et TPE.

Une fois de plus, les réponses se trouvent à l’extérieur de votre entreprise, alors pour votre développement comme pour votre production, intéressez vous à ce qui se passe à votre portée: veillez, informez vous, suivez l’actualité économique de votre région et le travail des acteurs de développement locaux, intégrez des cercles, réseautez, co-workez…

Une simple et belle piste éthique pour un développement responsable à la fois économique, environnemental et social.

Patrick Colot

Praticien Senior en Management

Administrateur tec-ma

www.tec-ma.be

°1,5% des échanges commerciaux mondiaux avec un flux majoritairement orienté nord-sud, avec l’Europe comme client principal à hauteur de 60%. sources : UN / WFTO.

*FMCG: Fast moving consumer goods: Biens de consommation à rotation rapide.

²Bourgeois Bohème: David Brooks utilise pour la première fois le terme “bobos” en 2000 dans son livre “Bourgeois Bohemians in paradise” pour remplacer le terme «yuppies» qui avait pris selon lui une connotation péjorative. La théorie de Brooks est que cette nouvelle classe supérieure est un croisement entre l’idéalisme des années 1960 et les comportements libéraux et individualistes de la période Reagan.

³Á titre d’exemple comparatif, le littoral Somalien dispose de débouchés dépendant uniquement de quelques secteurs : la pêche, l’agriculture, l’exploitation minière, la maintenance de l’outil et la logistique de ces productions.