06 Mar Les gourous du développement; C’est quoi le problème?
Notre univers connecté met à notre disposition à la fois de puissants outils de diffusion des idées et un accès à la connaissance quasi illimité.
Ce terrain ne reste pas en friche et est largement colonisé par des experts de tous poils.
Nous recevons, à travers les réseaux sociaux de plus en plus de messages nous parlant de développement personnel, d’entreprise, de leadership, d’abondance et de bien d’autres sujets.
Comment faire le tri dans cette jungle d’experts entre ; les visionnaires, les excellents, les compétents, les légitimes, les incompétents inconscients, les marketeurs sans vision, les monomaniaques, les nombrils sur pattes, ceux qui exploitent uniquement un filon économique en servant au peuple uniquement ce qu’il aime entendre?
Comment faire la distinction entre ceux qui vont nous faire avancer, nous faire du bien et ceux dont nous servirons la cause (argent, succès, ego) ?
Comment une audience non initiée va-t-elle pouvoir se faire une idée de la légitimité des intervenants et décoder les intentions et l’éthique avec lesquelles ils produisent ces posts, ces messages ou proposent ces séminaires « qui changeront notre vie à jamais » ?
De manière tout à fait personnelle et sans aucune prétention, pour aider ceux que la question intéresse, voici les points principaux qui me font décrocher.
- La mise « très » en avant de certifications ou d’agréments : Compétent et agréé ne sont pas des synonymes, l’agrément est souvent un plus, mais pas l’argument de base. De plus, faut il encore savoir ce que représente concrètement telle ou telle certification.
- Les prétentions affichées qui ne collent pas avec le parcours : indépendants en personne physique sans expérience en gestion/direction de personnel, sans connaissances de la législation qui encadre les différents statuts et mandats, et direction d’entreprise se revendiquant mentors de dirigeants.
- Celui qui sort de nulle part, qui n’a pas trouvé assez de clients pour vivre décemment en tant que praticien et qui fonde une « école ».
- L’exaltation à propos d’une seule matière ou d’une technique bien précise à travers laquelle tout semble pouvoir être résolu.
- Les recycleurs de citations…à quelques mots près.
- Les distraits au moment de citer leurs sources mais jamais au moment de signer leur nom.
- Ceux dont le sourire et la mise en scène prennent plus de place que le propos dans les publications.
- La focalisation agressive sur une « promesse » uniquement matérielle (ex: devenez riche, c’est un peu réducteur si on met en avant le concept d’abondance).
- La mise en avant d’une quelconque exclusivité dans les idées et le fait de rebaptiser tous les concepts.
- L’utilisation systématique de gimmicks et de punchlines : « Les 10 habitudes de ceux qui connaissent les 7 secrets des winners ». indique souvent que le travail repose plus sur la forme que sur le fond. Dans le meilleur des cas, une maîtrise de la théorie, ou un bon niveau de lecture en Anglais-Américain (pour lire Robbins, Covey, Tolle et consorts dans le texte et le resservir).
A l’inverse, les attitudes qui me mettront en confiance seront les suivantes :
- L’humilité, la reconnaissance de ses limites et de la pluralité des approches possibles témoigne, à mon sens, d’un certain recul de la part de l’intervenant.
- Le fait de citer ses sources, ses modèles et ses inspirations incite au partage et à la diffusion des connaissances.
- La mise en avant explicite des objectifs poursuivis à travers la démarche.
- Ceux qui savent sortir de ce qui est imprimé dans le livre et faire le lien avec la vie de tous les jours et contextualiser le propos par rapport à des publics précis/situations précises.
- Avoir quelque chose à vendre, mais aussi avoir quelque chose à dire, à apporter au débat.
En résumé, se faire une opinion sur la question relève d’une démarche quasiment journalistique : recherche des données objectives, recoupement des sources et recherche de la motivation de l’auteur.
La conclusion à laquelle on arrivera dans nombre de cas, c’est que la version originale ne date pas d’hier, et qu’au lieu d’avoir été améliorée ou prolongée elle a souvent été amputée, réduite à une moindre dimension ou instrumentalisée.
Vous pourrez alors, à votre aise vous plonger dans les originaux ou vous contenter en connaissance de cause de l’apport réel propre à l’intervenant, voire simplement vous délecter de son sens du show.
Dans tous les cas, prenons ce qui est bon à prendre, bien sûr pas à n’importe quel prix. Matière à réflexion est toujours bonne à prendre, dès le moment ou elle nous fait du bien, nous rend critique et nous invite à faire nos propres recherches et à développer nos propres opinions.
Elle devient moins « positive » à notre égard quand elle tend à nous faire rentrer dans un schéma de pensée unique ou à installer une forme de dépendance, intellectuelle ou financière.
Surtout, sortons aussi souvent que possible du seul cadre intellectuel pour expérimenter et nous confronter à la réalité et à nos croyances limitantes. Mettons nous, nous mêmes en action.
« En écoutant l’écho, beaucoup de gens pensent que le son provient d’eux-mêmes ».
Ernest Hemingway
Patrick Colot
Praticien Sr en Mgt & Organisation
Administrateur TEC-MA